9 mars 2012

Les patriotes, les étudiants, les indignés

Voici un excellent texte de Jean Barbe. L'auteur désire que nous le partagions.

Les patriotes, les étudiants, les indignés

Ils ne voulaient pas se battre

Ils ne voulaient pas d’une fête nationale, d’un congé férié, d’un spectacle
Pour célébrer leur mémoire
Ils voulaient vivre. Vivre mieux.

C’est tout ce que nous voulons. Vivre mieux.

Pas : plus riche. Mieux.

Ils voulaient
Travailler, manger, apprendre, aimer,
Faire des enfants, les regarder grandir
Espérer que demain soit meilleur qu’hier
Être libre autant qu’on puisse l’être
Quant on vit avec d’autres et qu’il faut partager.

Ils voulaient, je veux, nous voulons
Vivre

Ils ne voulaient pas se battre pour un pays.
Ils voulaient vivre bien, vivre mieux
Un pays peut-être leur permettrait cela.
Jamais le pays n’aura été le but.
Toujours le pays aura été le moyen, peut-être, de vivre mieux.

Ils ne voulaient pas se battre
Les palestiniens ne voulaient pas se battre
Les Irlandais ne voulaient pas se battre
Les Cubains ne voulaient pas se battre
Les Étudiants ne veulent pas se battre
Ils sont bien rares ceux qui veulent se battre
Ils voulaient, ils veulent, nous voulons
des choses concrètes
Un coin de terre à cultiver
Un métier à faire
Un salaire qui permet d’avoir
Un repas sur la table
Des vêtements sur le dos
Du temps pour le repos
Un endroit pour dormir
Des choses à apprendre
Pour grandir encore
Des médicaments pour soigner nos enfants
Des lois qui nous protègent autant qu’un autre.
Ce n’est que cela, la dignité.
Rien de plus.
Rien de moins.

Vous qui possédez la terre à cultiver, les outils de mon métier, l’argent de mon salaire
Vous qui possédez la nourriture, les vêtements, les maisons
Les médicaments, vous qui appliquez les lois ou les ordonnez
Partagez
Partagez entre tous sans égards à la couleur de ma peau, à la langue de mes prières, au pays de mes ancêtres
Partagez
L’abondance dort dans vos coffres, nous le savons,
Partagez
Si je peux vivre avec dignité, j’accepterai les différences d’opinion, les accommodements raisonnables, les obligations sociales.
Partagez. Et il n’y aura plus parmi nous, pour prendre le fusil, pour tuer et mourir
Que les fous.

Nous soignerons les fous avec humanité.

Je ne veux pas me battre

Je veux vivre.

Mais.

Les plus pauvres s’appauvrissent
Les plus riches s’enrichissent
Il est beau le progrès
Et nous sommes en colère
Échanger la couronne d’Angleterre
Pour le palais des congrès
Troquer la Reine pour Charest
Après s’être fait fourrer de loin
Se faire fourrer de près.

Nous voulons vivre
Et vivre mieux.

Alors :

À ceux qui veulent mettre des protège-coudes et des casques de vélo à nos espoirs.

Aux empêcheurs de risque qui veulent notre sécurité en l'imposant de force.

Aux régulateurs des consciences qui font la morale à nos ventres, avortons de la pensée, souteneurs de soutanes et voleurs d’enfances

Aux économistes libertaires, anarchistes de la grande finance qui ne souffrent aucune règle, surtout pas celles de l’égalité et de la compassion

Je dis
Partagez

Aux funambules de l’extrême centre, ces drogués du pouvoir qui sniffent la ligne du parti dans les toilettes du parle et ment.

Aux maquilleurs de statistiques qui dessinent des sourires aux cadavres

À ceux qui jonglent par milliards en sous-payant le jardinier
Aux ingénieurs des roue de fortune, loto hydro casino
Qui prélèvent leurs taxes dans la poche des désespérés
Voleurs de grand chemin, bandits de la construction, banquiers, modérateur de tickets aux urgences de vivre.

Aux vendeurs de RÉER qui promettent le paradis avant la fin de vos jours, ces nouveaux curés d’une religion ancienne, ces mafieux qui disent achète ma protection sinon…

À ceux qui veulent nous faire payer le privilège
D’apprendre sur les bancs l’école comment les enrichir
Taxeurs de savoir, détourneurs de science au profit
À ceux qui rêvent d’un peuple
Criblé du plomb des dettes
Lourd et lent, incapable de bouger
Incapable de résister

Je dis
Partagez

Aux spécialistes de la mise à pied, aux missionnaires de la mondialisation
À ceux qui vont content jusqu’en Chine
Faire fabriquer par des enfants des cochonneries vendues aux chômeurs
Qui n’auront bientôt pas
les moyens de se les payer
Dans les Dollaramas

À ceux qui roulent en Bentley ou en Porsche
En contournant les nids-de-poule
Tandis qu’on fait le trottoir pour éviter d’être à la rue

Je dis
Partagez

Nous sommes lucides nous aussi.
Et nous savons ce que c’est que la merde.
Nous y sommes, jusqu’au cou. C’est assez. Partagez.
Parce que sinon un jour ça va péter
Nous voulons vivre, nous voulons apprendre.
Nous voulons grandir,
Et nous vivrons. La merde amortit les chocs
Mieux que les Porsche ou les Bentley.
Nous ne voulons pas nous battre.
Mais il faut le faire puisque vous nous y poussez.
Quand on est dans la merde jusqu’au cou, on a pas le choix de se lever.
lever la tête, lever la voix.
Lever le poing.
Nous survivrons.
Nous vivrons.

Les fleurs poussent dans l’fumier


P.S. : Pour suivre Jean Barbe sur Twitter, c'est par ici : https://twitter.com/#!/jeanbarbe

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