Nous sommes deux
jeunes étudiants en art, loin de leur pays, la Gaspésie. J’avais 16 ans et pour
la première fois de ma vie, j’étais loin de chez moi. Mon coloc était Jacques
Bouffard. Pour nous, Matanais pure laine, Montréal, c’était un ailleurs lointain.
L’appartement est
morne et triste; un endroit où nous sommes obligés de vivre pour une période de
temps défini. Pas de décor, mis à part quelques-unes de nos œuvres scotchées au
mur.
La soirée est
froide. Nous écoutons du Félix Leclerc. Je me souviens avec précisions de la
chanson qui joue et rejoue inlassablement, sur le tourne-disque : Noces d’or.
Une composition de Jean-Pierre Ferland, interprétée par Félix. Une douce valse,
qui nous berce tendrement, qui nous tire l’ennui du cœur, qui nous donne le goût
d’être avec les nôtres.
Pour nous rapprocher
de chez nous, Jacques a une idée merveilleuse.
Il ouvre la porte
arrière de l’appartement, celle qui donne sur la ruelle, où trône un orme
énorme, le roi de la petite cour. Il me demande de fermer toutes les lumières
de l’appartement et d’ouvrir la porte qui donne accès à la fournaise à gaz. Une
flamme azur s’en dégage; le foyer des pauvres. Nous déplaçons ensuite les
berçantes entre la fournaise et la porte béante donnant sur la ruelle.
Abriés de couverture,
nous accompagnons les chants de Félix; la buée qui sort de nos bouches porte sa
douce poésie vers nos amours.
Lo x (Ce texte a été publié dans ce blogue pour la première fois le 22 décembre 2007)
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