Le vieux paysan plisse les yeux et jette un regard sur l’horizon. Jusqu’à la frontière séparant le ciel violet foncé du champ couleur paille, tout lui appartient.
Il observe cet homme qui travaille au loin; c’est son fils, le seul enfant qu’il a eu de son mariage. Un grand garçon, costaud, puissant, silencieux et humble. Il se voit dans l’ardeur au travail de son fils, il était ainsi au même âge, comme un film de sa vie en haute définition, comme disent les modernes de nos jours.
Cette terre, le paysan l’a défrichée, du fronteau jusqu’à la mer. Tout ce qui y pousse, s’abreuve de sa sueur, s’engraisse de ses courbatures, se nourrit de ses gerçures.
Sa vie s’est meublée de son inlassable travail, de ses inquiétudes relativement à une météo alliée ou destructrice; son décor vient de cette châtaine châtelaine, l’amour de sa vie; cette féminine beauté, au calme rassurant, si tendre et douce dans sa couche. Dans l’heure de naissance de son fils, la vie lui a pris sa femme, déchirant troc, sur lequel, il n’avait pas autorité.
En cet après-midi d’automne, le ciel s’assombrit, devenant presque noir. Le paysan observe le minuscule point qui s’affaire vaillamment à l’horizon; son fils continue sa besogne, malgré les roulements menaçants du tonnerre. Le champ doré tranche étrangement sur ce ciel d’un violent violet foncé, arrière-plan apocalyptique.
Puis, silence.
Le ciel craque, séparé en deux par un zigzag jaune vif.
Sifflement.
Le minuscule point à l’horizon éclate.
Bang, bang, la fin du monde?
La fin d’un monde.
Le tonnerre a frappé.
Le vieux paysan se relève, secoué, ébahi, d’avoir été projeté à terre par autant de puissance céleste. Il n’y comprend rien. Il s’inquiète de son fils, regarde au loin, s’assurant de ne pas cauchemarder. Puis il court, poussant ses muscles au maximum. Arrivé devant le corps calciné de son fils, il se laisse choir de désespoir, l'enlace en pleurant. Il hurle au secours, il criepleuremeurt, du plus profond de son âme...
Fin décembre venue.
Le vieux paysan est méconnaissable; sa vie en ruine, en lambeau, son corps se salit au rythme de son désespoir. Il boit, noyer sa souffrance jusqu’à mourir.
Grisé de caribou, aviné de rouge, il rêve.
Une vapeur bienheureuse envahit la pièce. Venue de nulle part, sa châtaine châtelaine, se dirige vers lui, flottant dans un voile de soie aérien, comme un ange. Elle l’enlace de ses bras féminins, l’invite à la valse, sur ces nuées ouateuses. Nul autre décor que cette douce fumée blanche. Tout près, légèrement dissimulé par la fumée, son fils violone une doucereuse valse, son visage portant plénitude.
Tourne, tourne, danse et chante, et vive la valse des amoureux.
Lo x
P.-S : À vous tous, qui fréquentez assidûment mes écrits et images, je vous souhaite une période des Fêtes remplie d’amour. Je serai de retour en 2008.
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